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Réponse de la mamelle aux infections : des défenses actives

Publié le par Renée de Crémoux (Institut de l'Elevage)
Face aux infections, la mamelle dispose de deux lignes de défense : des défenses passives et des défenses actives.

Le lait d'une mamelle saine est stérile et contient relativement peu de cellules. La structure du trayon, sa conformation, le fonctionnement de la mamelle (et notamment le flux de lait) constituent autant de défenses (défenses passives) face aux bactéries susceptibles de coloniser la mamelle.

 

En cas d'infection, une fois le canal du trayon franchi, les bactéries vont pouvoir se multiplier et coloniser la glande mammaire. La mamelle va alors se défendre de manière active. Vont intervenir en particulier des défenses cellulaires.

   

Lignes de défense de la mamelle

 

 

Des défenses cellulaires pour combattre l'infection

 

Au cours de leur croissance, les bactéries vont libérer des toxines, des composés de leur paroi, des sous-produits de leur métabolisme, autant de molécules qui constituent des signaux chimiques et vont provoquer la mobilisation de cellules de défense, les leucocytes (ou globules blancs). La mamelle sera d’autant mieux défendue que le recrutement de ces cellules aura été rapide. Parmi les leucocytes, les polynucléaires ainsi nommés en raison de leur noyau multilobé, arrivent ainsi en grand nombre. Ils vont passer, par diapédèse (c'est-à-dire en s'insinuant entre les cellules endothéliales des capillaires sanguins), du compartiment sanguin vers le lait.

 

Le rôle des polynucléaires est de détruire (phagocyter) les bactéries présentes dans le lait. Cependant, ces cellules ne sont pas aussi actives dans le lait qu'elles le sont dans le sang :

  • d’une part, parce qu’elles ont perdu de l’énergie lors de leur passage du sang vers le lai,
  • ensuite parce qu’elles ont tendance à phagocyter également les globules gras ou autres éléments rencontrés dans le lait,
  • enfin parce que les bactéries savent se défendre (production de parois, libération d’enzymes ou de toxines) et parviennent à coloniser, à parasiter les cellules épithéliales voire les globules blancs eux-mêmes et se mettre ainsi à l’abri...

 

C’est ce qui explique que, dans la majeure partie des cas, on assiste à un "match nul" entre bactéries et cellules, les cellules ne parvenant jamais à détruire la totalité des bactéries présentes. Les foyers infectieux se maintiennent donc et persistent.... longtemps....

Les mammites sont alors invisibles (c'est le plus fréquent) : on parle de mammites subcliniques. On les oppose aux mammites cliniques (visibles), dont le cas extrême est la forme gangréneuse.

Il existe aussi des guérisons spontanées (rares en cours de lactation). C’est notamment le cas de certaines infections mammaires occasionnées par des bactéries de l’environnement (litière).

     

En cas d'infection, trois évolution ....

 

    

La composition du lait comme outil de dépistage de l'infection

 

De façon générale, une infection s'accompagne :

  • d'un phénomène inflammatoire, qui correspond à la réponse de l'animal pour combattre les agents pathogènes,
  • d'une augmentation de la perméabilité des capillaires sanguins (augmentation de la capacité de filtration),
  • et d'une diminution de la capacité de synthèse de la mamelle suite notamment à des dommages tissulaires. Le recrutement des polynucléaires n'est qu'un des multiples éléments de ce processus complexe.

 

Des variations de la composition du lait induites par l'infection, vont donc pouvoir être observées :

  • augmentation du nombre de cellules,
  • sécrétions de protéines dites de "phase aiguë",
  • présence d’anticorps spécifiques,
  • augmentation des concentrations en chlore et sodium, et inversement diminution de la concentration en potassium (cf. filtration accrue et lésions cellulaires),
  • augmentation des teneurs en protéines solubles (cf. filtration accrue),
  • augmentation des teneurs en certaines enzymes (cf. lésions des cellules épithéliales),
  • diminution des teneurs en certains composants tels que le lactose (cf. diminution de la synthèse)...

 

 

La réaction inflammatoire : un bouleversement pour l'alvéole

 

Des dosages, mesures ou comptages peuvent être réalisés pour mesurer l'importance de la réponse inflammatoire. A titre d'exemple, la réaction inflammatoire induisant une évolution des concentrations en ions dans le lait, on peut envisager de s'intéresser à la conductivité du lait pour essayer de prédire la présence d'une infection.

Au travers des évolutions de la composition du lait,
mise en évidence d'indicateurs pour détecter les infections intramammaires

 

 

      

Ces tests, quels qu'ils soient, sont des outils indirects de dépistage des infections.

  • Ils ne sont pas spécifiques de types d’infections particuliers.
  • Leur valeur et leur intérêt doivent toujours être évalués par rapport à un test de référence : l'analyse bactériologique.
  • Par ailleurs, pour être utilisables sur le terrain, les critères choisis doivent, à la fois, être pertinents et susceptibles d'être analysés à grande échelle (automatisation) et à moindre coût.

 

Sur le plan pratique, à ce jour, la mesure de la concentration en cellules du lait reste l'outil de dépistage des infections le plus aisé à mettre en œuvre et le plus fiable.

 

Dans l'avenir, avec le développement d'autres techniques diagnostiques, on peut imaginer que d'autres indicateurs puissent être choisis pour essayer d'évaluer le statut sanitaire des troupeaux et mesurer la qualité du lait.