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Suivi agroclimatique de l'année 2022

Publié le par Jérôme Pavie (Institut de l'Elevage), Aurélie Madrid (Institut de l'Elevage), Julien Fradin (Institut de l'Elevage), Soline Schetelat (Institut de l'Elevage)
L’année 2022 a été particulièrement extraordinaire : elle a été caractérisée par un hiver relativement doux mais sec qui a favorisé la constitution de stock sur pied, puis un démarrage précoce en mars, ralenti par un coup de froid début avril. Le pic de pousse de l’herbe a été atteint en avril, assurant des fauches de qualité et en quantité. Le mois de mai a été chaud et sec, creusant davantage le stress hydrique mais permettant des récoltes de foin dans des conditions exceptionnelles. Le mois de juin a lui été chaud et orageux, les prairies n’ont pas pu valoriser l’ensemble des précipitations tombées sous forme d’orages violents, elles ont eu du mal à repartir après les premières coupes. Juillet et août ont battu des records de chaleur et le ciel est resté vide de nuages, la majorité des départements ont été soumis à des arrêtés de limitation de l’eau. Les prairies ont grillé cet été et les semis de prairie de fin août ont été compromis. Les maïs ont été aussi fortement impactés par la chaleur et le manque d’eau, les chantiers d’ensilage ont commencé avec plus d’un mois d’avance dans certaines régions. On a observé des pertes de rendement conséquentes en zones non irriguées ainsi que des pertes de qualité dues aux fortes chaleurs au moment de la fécondation. Le retour des pluies dans plusieurs régions à partir de mi-septembre a amorcé le reverdissement des prairies et les prairies sont reparties en croissance en octobre grâce aux températures exceptionnellement douces. L’arrière-saison a été particulièrement favorable à l’herbe dans les régions où la pluie est revenue, les chantiers de récolte se sont étalés jusqu’à mi-novembre dans des conditions très correctes. Pour autant, ce regain de production sur l’automne ne permet pas toujours de compenser les pertes accumulées sur le printemps et l’été, le déficit de production des prairies est de l’ordre de 20% à 30% sur l’année 2022.

Bilan climatique de 2022

L’année 2022 est l’année la plus chaude jamais enregistrée à ce jour en France métropolitaine. D’après Météo-France, elle est « un symptôme du changement climatique en France », et correspond à ce qui pourrait être une année « normale » aux alentours de 2050.

Avec une température moyenne de 14,51°C, 2022 surpasse largement le précédent record de 2020 (14,07°C). Parmi les 10 années les plus chaudes enregistrées en France depuis 1900, 8 sont des années postérieures à 2010.

Le déficit pluviométrique s’établit à 25% à l’échelle nationale, avec des mois records (mai et juillet sont les plus secs jamais enregistrés). Toujours d’après Météo-France, la sécheresse des sols est « une des plus longues et des plus étendues en France ».

L’année a été marquée par une succession de phénomènes exceptionnels, pour la plupart plus chauds que la normale, avec au total 33 jours de vague de chaleur en été et deux épisodes de chaleur supplémentaires, l’un inhabituellement précoce en mai et l’autre inhabituellement tardif fin octobre. La figure ci-dessous récapitule ces événements climatiques exceptionnels.

 

Conséquences sur les prairies au fil de l'année

Un début de printemps précoce mais sec

Après un hiver doux et des cumuls de précipitations globalement déficitaires sur la saison, les conditions de portance ont généralement été réunies pour la mise à l'herbe. Les sommes de températures ont souvent montré une année relativement précoce, à l’image de 2021 mais de façon plus hétérogène sur le territoire. 


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sécheresse précoce à partir d'avril

La vague de froid de début avril a mis un coup d'arrêt à la pousse de l'herbe dans la majorité des régions mais les températures sont redevenues proches des moyennes de saison par la suite. Les températures douces et les cumuls de précipitation relativement faibles pour un mois d’avril ont contribué à l’assèchement des sols mais n’ont pas pénalisé la pousse de l’herbe qui a dépassé son pic dans la majorité des régions. Les premières fauches ont été effectuées avec des rendements et des qualités plutôt correctes.

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l'été dès le mois de mai

Malgré quelques orages localisés, le mois de mai poursuit sur la lancée du mois d’avril : le sec et la chaleur persistent et signent. Le déficit hydrique s’est creusé et a rapidement pénalisé la pousse de l’herbe sur l’ensemble du pays : le pic de pousse a été dépassé en avril et les croissances sont de l’ordre de 20 à 30 kgMS/ha/jour. Les premiers foins ont été faits dans des conditions exceptionnelles, ils ont été de très bonne qualité cette année.

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début d'été : les prairies entre sécheresse, orages et canicule

Avec un mois de juin marqué par des températures élevées et des précipitations hétérogènes, les prairies ont eu du mal à repartir après les premières coupes. Avec une moyenne de 21,2°C à l'échelle nationale, juin 2022 se place sur la 2e marche du podium des mois de juin les plus chauds depuis le début du XXe siècle, avec une vague de chaleur record à la mi-juin : elle est la plus précoce jamais enregistrée depuis le début des mesures en 1947 et la 2e plus intense pour un mois de juin après celle de juin 2019. Juin 2022 se classe parmi les 10 mois de juin les plus pluvieux depuis 1959 mais les précipitations sont tombées sous forme d'épisodes orageux intenses, peu efficaces sur le long terme pour la végétation, et souvent accompagnés de vent violent et de grêle.

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l'été de tous les records

En juillet 2022, les températures ont été particulièrement élevées et les précipitations ont été quasi nulles sur l’ensemble du territoire. En conséquence, le niveau de sécheresse des sols et des rivières atteint des niveaux records, quasiment l’ensemble de la France a été soumise à des arrêtés de limitation de l’eau. Le manque d’eau et la chaleur ont fortement impacté le développement du maïs, les ensilages ont commencé début août dans certaines régions. Les prairies ont grillé dans la grande majorité des régions, la production d’herbe était déjà déficitaire dès le début d’été.

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fin d'été : un retour au vert timide et hétérogène

L’été 2022 est le 2ème été le plus chaud jamais enregistré après 2003 et se classe parmi les 10 étés les plus secs : de nombreux records de chaleur ont été battus et le déficit pluviométrique est de l’ordre de 25% à l’échelle de la saison et de la France. Par conséquent, les sols sont restés très secs jusqu’à fin août, retardant le reverdissement et la reprise de pousse des prairies et mettant en péril les semis de prairies dans plusieurs régions. Le déficit de production fourragère est estimé entre 20% et 50% en fonction des territoires. Les maïs fourragers ont également souffert cet été, on observe des pertes de rendement conséquentes en zones non irriguées ainsi que des pertes de qualité dues aux fortes chaleurs au moment de la fécondation.

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une très belle arrière-saison (là où la pluie est revenue... )

Le retour des pluies mi-septembre sur une grande partie du territoire national ainsi que les températures exceptionnellement douces du mois d’octobre ont permis aux prairies de se remettre du choc de cet été. Si elles ont mis du temps à reverdir en septembre elles ont par la suite montré une très bonne capacité de résilience au chaud et au sec : la plupart d’entre elles se sont redensifiées et sont reparties en croissance à partir de début octobre. La météo de cet automne nous offre une très belle arrière-saison favorable à la pousse de l’herbe mais la situation reste très hétérogène en fonction de la répartition des précipitations, certaines régions ont vu leurs prairies peiner à redémarrer et à pousser par la suite. La plupart des animaux, pourtant rentrés en bâtiment et affouragés cet été, sont retournés pâturer et de très nombreux chantiers d’ensilage et d’enrubannage se sont prolongés jusqu’à mi-novembre dans des conditions très correctes. L’herbe est de très bonne qualité et les rendements sur cet automne s’échelonnent de moins de 1TMS/ha à plus de 2TMS/ha, l’occasion de refaire quelques stocks avant l’hiver. Pour autant, ce regain de production sur l’automne ne permet pas toujours de compenser les pertes accumulées sur le printemps et l’été, le déficit de production des prairies est de l’ordre de 20% à 30% sur l’année 2022. Les maïs ensilage ont eux aussi été pénalisés cet été, en quantité comme en qualité, mais certains ont réussi à sortir leur épingle du jeu en zones profondes ou avec des dates de semis très précoces. Grâce aux reports de stock de l’année 2021, la majorité des éleveurs et éleveuses sont sereins pour cet hiver mais sont préoccupés par la possibilité que l’année 2023 puisse ressembler à 2022, auquel cas les bilans fourragers seraient loin de l’équilibre…

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