La part de la monte naturelle et la connaissance des filiations paternelles sont très variables dans les programmes de sélection ovin viande français. Ces deux facteurs affectent potentiellement l’intérêt de la sélection génomique pour ces schémas. A l’aide de simulations, les progrès génétiques ont été évalués pour des stratégies de sélection génomique et classique de programmes basés exclusivement sur la monte naturelle et caractérisés par des degrés de connaissance variable des filiations paternelles.
Trois stratégies d’utilisation de l’information génomique ont été comparées à une stratégie de sélection classique :
La modélisation de l’organisation de la sélection s’est inspirée du fonctionnement de la plupart des races ovin viande françaises :
Pour la stratégie classique, cinq populations ont été simulées variant selon le taux de filiations paternelles connues (0, 25, 50, 75 ou 100%).
Pour la stratégie « assignation », l’ensemble des accouplements sont réalisés sans paternité et les pères des agneaux candidats, issus des meilleures mères (Mères à béliers) étaient assignés. Pour les agnelles, nous avons testé différentes proportions de taux d’assignation paternelle (25, 50, 75 ou 100%). Pour cette stratégie, les étapes de sélection sont réalisées sur la base d’index classique.
Pour les stratégies de sélection génomique, les étapes de sélection sont réalisées sur la base d’index génomique estimés par la méthode du single-stepGBLUP : les jeunes males sont génotypés dans leur première année et les meilleurs sur index génomique sont sélectionnés pour renouveler les béliers réformés.
Dans la stratégie « population de référence mâles », tous les béliers luttant dans les élevages (pères des candidats) étaient génotypés.
Dans la stratégie « population de référence mâles + femelles », une proportion des agnelles (après tri) étaient annuellement génotypées (25, 50 ou 100%) en plus des mâles.
L’utilisation de l’assignation de paternité permet un gain supérieur à la stratégie classique pour la même proportion de filiations paternelles connues hormis à 100% pour laquelle les stratégies sont équivalentes. Ce gain supérieur est dû à la connaissance exhaustive des paternités des agneaux issus des meilleurs mères car l’assignation permet de cibler a posteriori les agneaux dont on souhaite la paternité.
La stratégie de sélection génomique basée sur une population de référence « mâles » a donné un gain plus élevé que la sélection classique quelle que soit la quantité de filiations paternelles connues. Bien que les filiations paternelles inconnues réduisent les gains génétiques, elles ne semblent pas constituer un obstacle à la mise en place de la sélection génomique.
Le génotypage de femelles a permis un gain nettement supérieur par rapport à la stratégie basée sur le seul génotypage des mâles. Pour la taille de population simulée, le gain obtenu pour 25% de femelles génotypées n’est pas amélioré par une proportion croissante de ces génotypages.
Gain génétique pour différentes stratégies de sélection selon le taux de filiations paternelles connues et le taux de femelles génotypées
Stratégie | Taux de femelles génotypées (%) | Taux de filiations paternelles connues (%) | Progrès génétique (%) 1 |
---|---|---|---|
Classique | 0 | 0 | 100 |
25 | 102 | ||
50 | 106 | ||
75 | 121 | ||
100 | 142 | ||
Assignation | 25 | 25 | 113 |
50 | 50 | 122 | |
75 | 75 | 131 | |
100 | 100 | 141 | |
population de référence = mâles | 0 | 0 | 110 |
25 | 130 | ||
50 | 142 | ||
75 | 149 | ||
100 | 163 | ||
population de référence = mâles + femelles | 25 | 25 | 193 |
50 | 50 | 194 | |
75 | 75 | 187 | |
100 | 100 | 198 |
1 (100%=0.081 écart-type génétique)
Ces résultats indiquent que les stratégies de sélection génomique pourraient générer des gains génétiques supérieurs pour les schémas avec des filiations paternelles incomplètes et basés exclusivement sur la monte naturelle. Cependant, les coûts de génotypage doivent être pris en compte et une comparaison équitable nécessiterait d'évaluer les différentes stratégies à un coût similaire ou de prendre en compte les coûts et les revenus associés à chaque stratégie. Le passage à la sélection génomique ne modifierait pas la gestion des mâles. La rentabilité de la sélection génomique dépendrait donc de l'équilibre entre les coûts de génotypages et les gains génétiques supplémentaires et donc de la capacité individuelle et collective des sélectionneurs à valoriser économiquement ces gains génétiques supplémentaires.
Jérôme Raoul (Institut de l'Elevage)
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