La mortalité des chèvres est un des indicateurs de la santé des troupeaux caprins suivis par l’OMACAP. Plusieurs enquêtes permettent de mieux évaluer les causes mais surtout les moyens d'action pour en réduire la fréquence
La mortalité des chèvres est un des indicateurs de la santé des troupeaux caprins suivis par l’OMACAP.
Une première enquête a été réalisée en 2018 à partir des données de l’équarrissage de 172 fermes de référence du réseau INOSYS entre 2010 et 2017. Les niveaux de mortalité observés étaient très variables d’un troupeau à l’autre, mais la relative constance des taux de mortalité au sein des troupeaux permettait de supposer que ces situations s’expliquaient par les pratiques et/ou le statut sanitaire des élevages. Les données du suivi technico-économique n’ont cependant pas permis d’identifier les facteurs expliquant les différences entre les taux de mortalité des chèvres. Les élevages ayant un caractère relativement plus « intensif » (en termes de : quantité de lait produit et de concentré distribué par chèvre, taille des troupeaux, …) présentaient en moyenne des niveaux de mortalité plus faibles. Des niveaux de mortalité plus élevés pouvaient dans certains cas ne pas être associés à des pathologies, mais à un possible défaut de collecte pour abattage.
Une deuxième enquête a ainsi été réalisée en 2019 auprès d’un échantillon de 33 élevages représentant des typologies et des taux de mortalité variés, dans l’objectif de mieux identifier les causes de mortalité des chèvres et les facteurs associés. L’objectif était notamment d’investiguer finement les pratiques des éleveurs parvenant à maintenir des niveaux de mortalité inférieurs à 5% des chèvres par an.
A l’issue d’un suivi des mortalités pendant au moins un an, un questionnaire a été soumis par les conseillers de ces élevages (CA 17-46-79 et TCEL 37) en ciblant 4 catégories de mortalité.
Répartition des causes de mortalité lors d’un suivi de 22 élevages pendant un an
(n = 516 chèvres mortes)
Les mortalités liées à des traumatismes ou infections de l’appareil génital suite aux mises-bas représentent 23% des mortalités, soit en moyenne 1,8% des effectifs de chèvres. Elles sont rencontrées dans presque tous les troupeaux caprins, mais peuvent représenter moins de 1% des effectifs.
Les principaux moyens identifiés par les éleveurs pour assurer le bon déroulement des mises-bas sont la sélection des chèvres mises à la reproduction, la préparation nutritionnelle, la surveillance et l’assistance aux mise-bas.
Les problèmes liés à la taille et au positionnement du fœtus nécessitent des interventions vétérinaires anticipées pour permettre un bon pronostic, mais sont souvent décevantes dans le cas contraire.
L’antibiothérapie est une solution efficace et fréquemment utilisée pour limiter les conséquences des infections post-partum, d’où une faible part des mortalités liées à ces infections. Le cas des métrites gangréneuses est cité par seulement deux éleveurs, dont un confronté à des pertes très importantes. Le recours à la vaccination contre cette pathologie n’était pas une solution connue par les éleveurs concernés.
L’entérotoxémie représente le principal trouble digestif d’origine alimentaire conduisant à de la mortalité. Elle correspond à 25% des causes de mortalité des chèvres et est présente dans la majorité des troupeaux. Des conséquences importantes sont constatées dans 8 élevages sur 33, de façon très ponctuelle pour trois élevages, et de façon plus régulière pour cinq autres élevages. Leur impact est jugé très important, sans compter les autres conséquences directes de ces troubles digestifs (tarissement et réforme) et le déclenchement de différentes pathologies infectieuses latentes.
La maîtrise de la ration constitue le premier facteur de prévention cité, notamment par l’apport de fourrages fibreux et ayant de bonnes valeurs nutritionnelles, et sous réserve de maîtriser les transitions pour les fourrages les plus riches. L’intégration de compléments (argiles, bicarbonates de Na, levures…) est par ailleurs très fréquente, mais ne corrige pas un déséquilibre de la ration.
La vaccination reste peu utilisée bien que jugée efficace, notamment en raison de la difficulté d’anticiper les cas accidentels d’entérotoxémie.
Listériose et toxémie de gestation sont peu fréquentes au cours du suivi, bien que ces pathologies puissent potentiellement avoir des conséquences importantes en cas de non maîtrise de l’alimentation (acidose, défaut de préparation et conservation des enrubannages/ensilages, état d’engraissement excessif au tarissement…). L’apport de compléments (levures et propylène) est un facteur sécurisant efficacement ce risque, bien qu’en théorie pas nécessaire si l’alimentation est maîtrisée.
Les pathologies chroniques occasionnent 12% des mortalités enregistrées lors du suivi, dont moins de la moitié font l’objet d’un diagnostic de suspicion ou confirmé.
Ces pathologies s’expriment beaucoup plus par de la réforme que de la mortalité dans la majorité des troupeaux, excepté dans certains cas où la politique ou la capacité de réforme est limitée, ou dans certaines formes d’évolutions rapides de ces maladies (paratuberculose associée à des problèmes nutritionnels et haemonchose).
La fréquence de ces pathologies « accidentelles » est probablement fortement influencée par le choix de l’échantillon d’élevages ciblé.
La mortalité représente souvent une faible part des conséquences des pathologies. Elle ne représente donc qu’un indicateur parmi d’autres à prendre en compte lors de l’évaluation de la situation sanitaire d’un élevage. Elle est en revanche facile à recenser et caractériser, et très intéressante pour alerter les éleveurs sur la majorité des pathologies graves potentiellement observées chez les chèvres.
Un guide d’investigation des causes de mortalité des chèvres et de leurs facteurs de risque ou de prévention a été élaboré dans le cadre de cette enquête. Il sera adapté pour une diffusion plus large afin de promouvoir une meilleure utilisation des moyens de prévention et de lutte existants.
Nicolas Ehrhardt (OMACAP), Renée de Crémoux (Institut de l'Elevage)
Commentaires
Pas de commentaire