
Les aléas de diverses natures auxquels sont régulièrement confrontés les éleveurs laitiers réinterrogent les stratégies mises en place dans les élevages. Ces aléas n’impactent pas de la même manière toutes les exploitations et il est intéressant d’en analyser les raisons. Les éleveurs ont développé des tactiques et stratégies, plus ou moins cohérentes, pour conférer robustesse ou souplesse et réactivité à leur système face à ces aléas, de durée et d’intensité très variables. Cette étude, centrée sur les facteurs de compétitivité et de résilience des exploitations bovines laitières françaises, s'appuie sur une analyse des données issues du dispositif INOSYS-Réseaux d’élevage. Elle s’est ensuite enrichie des propos échangés lors de réunions participatives auprès de conseillers et éleveurs du dispositif, lors de quatre focus group tenus dans différentes régions françaises.
Au-delà des aléas climatiques et sanitaires, les éleveurs ont été confrontés récemment à plusieurs épisodes de volatilité (prix du lait, prix des intrants) ainsi qu’à certaines décisions réglementaires telle la suppression administrative des quotas. Ces aléas successifs réinterrogent régulièrement les stratégies mises en place dans les élevages. Ils n’ont pas impacté de la même manière toutes les exploitations et il était intéressant d’en analyser les raisons. Les éleveurs ont développé des tactiques et stratégies plus ou moins cohérentes pour conférer robustesse ou souplesse et réactivité à leur système face à ces aléas, de durée et d’intensité très variables. C’est en réponse à ces observations qu’a été réalisée cette étude centrée sur les facteurs de compétitivité et de résilience des exploitations bovines laitières françaises.
Pour traiter ce sujet, nous nous sommes basés en premier lieu sur une analyse des données des exploitations suivies dans le cadre du dispositif INOSYS-Réseaux d’élevage. Sur la période 2007-2013, une population constante de 330 exploitations a pu être mobilisée. L’analyse a consisté à caractériser et comparer des groupes dits « plus résilients » et « moins résilients » à l’intérieur des familles typologiques habituelles. Ces groupes sont établis sur la base du revenu disponible par unité de main-d'oeuvre exploitant. Il s’agit ici d’une analyse de la résilience principalement économique, considérant que les exploitations présentant les revenus les plus élevés sur cette période ont réussi à adapter leur système et faire face aux différents aléas rencontrés. Dans ce document, quatre systèmes de production sont détaillés.
Les profils des exploitations identifiées ont ensuite été soumis au regard de conseillers et éleveurs du dispositif lors de quatre focus group tenus dans différentes régions françaises. Ceux-ci ont évoqué leur perception de la résilience et des aléas. Puis ils ont partagé leurs points de vue sur les facteurs de résilience des exploitations laitières et ont dégagé quelques traits communs en termes de stratégies et de conduites. À travers ces réunions participatives, la résilience a pu être abordée de façon plus qualitative et s’ouvrir aux dimensions sociales, environnementales.
Enfin, au-delà de l’analyse comparative des caractéristiques et performances des exploitations, les facteurs et les déterminants de la résilience discutés en réunion ont permis de typer trois stratégies, puis de les illustrer par trois témoignages.
Nos résultats montrent que le caractère « résilient » ou « non résilient » d’une exploitation laitière n’est pas forcément attaché à un type de système ou un type de stratégie productive. Que l’on soit orienté dans une voie « volume », une voie « économe » ou une voie « valeur ajoutée », la capacité de résilience d’une exploitation dépend plutôt de la pertinence des choix opérés dans la trajectoire d’évolution qui lui est propre, et cela conduit naturellement à souligner quelques points de vigilance à avoir à l’esprit lorsque l’on s’oriente dans telle ou telle voie.
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Jocelyn Fagon (Institut de l'Elevage), Dominique Caillaud ), Jean Seegers (Institut de l'Elevage), Anne-Charlotte Dockès (Institut de l'Elevage)