La paille de céréales est un aliment pauvre en sucres solubles, en matières azotées, en minéraux et en vitamines. C’est un fourrage encombrant et peu digestible. Mais bien complémentée, c’est une ressource utilisable dans les rations des ruminants pour pallier le déficit de stocks fourragers ou le manque d’herbe au pâturage. Pour des animaux à besoins modérés, la paille est même le fourrage le plus simple à utiliser. Cet article fait le point sur les précautions à prendre lorsque la paille est utilisée comme fourrage principal et donne des exemples de rations pour les bovins viande et les ovins allaitants. Une attention particulière devra être apportée cette année sur la présence de moisissures dans les pailles, exposées à un printemps particulièrement humide.
La paille de céréales est un fourrage dont les valeurs nutritives sont nettement inférieures à celles de l’herbe ou des foins ou ensilages qu’elle est amenée à remplacer dans un contexte d’économie de stocks (voir tableau 1).
Afin d’assurer une bonne ingestibilité de ce fourrage par les animaux auxquels elle est distribuée, quelques recommandations doivent être respectées.
Tableau 1 : Principales valeurs nutritives des pailles de blé, d’orge et de pois (par kg de MS)
UFL | UFV | PDIA | PDIN | PDIE | UEB | |
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Paille de blé | 0,42 | 0,31 | 11 | 22 | 44 | 1,8 |
Paille d’orge | 0,44 | 0,33 | 12 | 24 | 46 | 1,8 |
Paille de pois | 0,53 | 0,42 | 21 | 42 | 60 | 1,27 |
Source Tables Inra, 2007
Une paille poussiéreuse, terreuse, piquée par des moisissures sera moins bien consommée. Une attention particulière devra être apportée cette année aux moisissures : les conditions humides du printemps ont été favorables à ce genre de problème.
A condition qu’elles aient été récoltées sèches et qu’elles soient stockées à l’abri de l’humidité, toutes les pailles de céréales et la paille de pois peuvent convenir.
La digestibilité de la paille doit être améliorée : pour cela il conviendra d’apporter l’azote soluble et les glucides rapidement fermentescibles qui font défaut. Plusieurs solutions sont envisageables comme l’ajout d’aliment liquide (5 à 10 % de la quantité de paille distribuée), de concentrés azotés (environ 100g de tourteau de soja ou 150 g de tourteau de colza par kg de paille) ou de coproduits bien pourvus en azote et en sucres solubles (Corn Gluten Feed ensilé ou sec, drèches, …).
Parallèlement, il sera nécessaire d’apporter des minéraux et vitamines : la forme la plus pratique est un AMV enrichi en oligo-éléments et en soufre. Le rapport Caabsorbable/Pabsorbable devra au final se situer entre 1,2 et 1,5.
La paille peut être distribuée comme fourrage unique, avec une complémentation en concentré importante. Mais le plus souvent il est préférable de l’associer à du foin ou à de l’ensilage distribués en quantité limitée.
Les parts respectives des pailles et des autres fourrages seront ajustées en fonction de l’importance du déficit fourrager, du coût des produits de remplacement, et des animaux à alimenter.
Lorsque la paille est introduite en forte proportion dans le régime surveillez particulièrement l'abreuvement, qui doit être accessible et à volonté.
Pour éviter les flambées fermentaires dans le rumen et optimiser la valorisation du concentré apporté, il est indispensable de fractionner l’apport en plusieurs repas lorsque la quantité quotidienne de concentré dépasse 35 % de la MS de ration totale.
La paille peut remplacer une part importante des fourrages manquants. Elle peut constituer le principal fourrage de la ration chez les génisses âgées de plus de 15 mois ou chez des vaches allaitantes avant le 8ème mois de gestation.
Les génisses de moins de 1 an doivent recevoir uniquement de fourrages de meilleure valeur alimentaire pour garantir leur développement.
[Pratique] Des exemples de rations sont proposés dans le tableau 2.
Tableau 2 : Exemples de rations à base de paille de céréales destinées à des vaches allaitantes et génisses d’élevage (en kg brut/jour/animal)
Génisses de 20 mois (450 kg de poids vif) | Vaches à fort développement (+ de 700 kg de poids vif) | ||||||
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| GMQ 500 g/j | GMQ 500 g/j | GMQ 700 g/j | Avant vêlage | Après vêlage | ||
Ration de base | Paille + concentré | Paille + foin | Paille + ensilage | Paille rationnée | Paille + foin | Paille + foin | Paille + ensilage |
Paille de céréales | 4 | 3 | 3 | 5 | 5 | 6 | 6,5 |
Aliment liquide | - | - | - | 0,5 | - | - | - |
Ensilage d’herbe 30 % MS | - | - | 8 | - | - | - | 17 |
Foin de prairie naturelle | - | 3 | - | - | 5 | 5 | - |
Céréale aplatie | 2 | 1,5 | 2,5 | 3 | 3 | 3(*) | 2,4 |
Luzerne déshydratée | 2 | 1 | - | - | - | - | - |
Pulpe de betterave déshydratée | - | - | - | 2 | - | - | - |
Tourteau de soja 48 | 0,3 | 0,3 | 0,35 | 0,4 | 0,4 | 1 | 0,8 |
AMV (en g) (formule P-Ca) | 80 (10-10) | 70 (10-15) | 80 (10-20) | 200 6-24) | 150 (6-24) | 150 (6-24) | 100 (6-24) |
(*) + 1 kg supplémentaire de céréales ou pulpes déshydratées si les vaches présentent un état corporel faible au vêlage
La quantité de concentré dans la ration de ces animaux est nécessairement importante, dépassant nettement 50 % de la matière sèche ingérée. Des règles spécifiques doivent alors être appliquées pour éviter des troubles digestifs ou métaboliques :
Augmenter la quantité de concentré d’1 kg par semaine.
Congestion des muqueuses et des couronnes (yeux, mufle, onglons), baisse d’ingestion.
Malgré sa faible valeur alimentaire, la paille de céréales peut constituer la ration des brebis et agneaux. Son intérêt est variable selon le type et le stade physiologique des animaux (tableau 4).
Tableau 3 : Intérêt d’une ration à base de la paille par catégorie d’animaux
Type d’animaux | Intérêt d’une ration à base de paille |
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Agneaux sous la mère | préconisée |
Agneaux en finition | préconisée |
Brebis allaitantes | possible |
Brebis en fin de gestation | possible |
Brebis à l’entretien | possible |
Brebis en flushing et en lutte | possible |
Pour les agneaux, l’utilisation de la paille en substitution du foin de graminées n’entraîne pas de modification des performances ni de la qualité de carcasse. par ailleurs, l'indice de consommation en concentré reste inchangé. C'est donc en priorité à cette catégorie d'animaux qu'elle peut être réservée.
En ce qui concerne le cheptel reproducteur, la paille est à réserver aux brebis à faibles besoins. Dans tous les cas, un apport de concentré reste nécessaire pour équilibrer la ration. Pour les brebis allaitantes, il est envisageable de rationner les quantités de foin et de laisser la paille à volonté dans un souci d’économiser le premier fourrage. Lorsque les quantités de concentré distribuées par brebis deviennent élevées (supérieure à 1 kg/jour), un fractionnement des apports en 2 repas est indispensable afin de limiter les acidoses. La luzerne ou la pulpe de betteraves déshydratées complètent souvent les rations à base de paille dans les régions proches des zones de production.
Si les conditions de récolte et de conservation sont bonnes, la paille de céréales est un fourrage bien consommé. On peut compter entre 1 et 1,5 kg pour une brebis allaitante et environ 1 kg pour les autres stades physiologiques (refus compris). Les niveaux d’ingestion sont en revanche beaucoup plus variables lors d’un apport de paille au pré, en cas de pénurie d’herbe. Il est alors conseillé soit de rentrer les brebis en bergerie.
[Pratique] Des exemples de rations sont proposés dans le tableau 4.
Tableau 4 : Exemples de rations avec de la paille de céréales offerte à volonté pour des brebis allaitantes (quantités de concentré en kg/brebis/jour)
1 seul agneau allaité | 2 agneaux allaités | |||
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6 premières semaines de lactation | Au-delà de 6 semaines de lactation | 6 premières semaines de lactation | Au-delà de 6 semaines de lactation | |
Triticale | 0,6 | 0,5 | 0,8 | 0,6 |
Tourteau de colza | 0,5 | 0,3 | 0,7 | 0,5 |
CMV type 7/21 | 0,04 | 0,04 | 0,04 | 0,04 |
La paille de pois protéagineux présente une valeur alimentaire intermédiaire entre celle d’une paille et celle d’un foin. Elle peut constituer le seul fourrage de la ration des brebis et être offerte à volonté. Mais attention ! Ses qualités de récolte et de conservation influencent fortement l’apparition de problème sanitaire. La paille doit en effet être récoltée aussitôt après le battage et être très sèche sinon le risque de développement de moisissures dans les balles est important.
A titre d’exemple, pour remplacer 10 tonnes de foin, il faut compter :
Jean Devun , Philippe Dimon (Institut de l'Elevage), Jean-Pierre Farrié ), Laurence Sagot (Institut de l'Elevage)